• Né de la vague - Jean-Paul - 11/03/2014

    Né de la vagueCe n’était pas vraiment décidé. Il n’a pas voulu partir, ça c’est fait comme ça. Une erreur née de la vague des images qui l’a renversé, avalé jusqu’à ce que de flux en reflux il se trouve rejeté sur le parvis du musée tel un bois flotté, ses appréhensions gommées, lissées, polies.

     

    Dehors. Devant le musée. Le parvis. Dalles grises. Arbustes en pot. Touristes nez en l’air, ou œil au viseur, objectif baladeur. Il visualise les traces d’errements incertains, comme ces lignes jaunes et rouges dessinées par les lumières de voitures photographiées de nuit, diaphragme fermé au maximum, pose d’une minute.

     

    Les lignes se superposent en lui aux courbes des corps contemplés sur les images du musée, sensuelles sinuosités ensablées, carte au trésor dont il suit le tracé imaginé.

     

    Il se perd dans le labyrinthe des ruelles de la vieille ville. Finalement pas si vieille comparée au musée dont il sort et aux arènes dont il fera le tour dans un moment. Mais il y a les pavés, les portes basses et ouvragées, les ondulations en façade. La rue étroite interdit tout recul. Les perspectives déforment les constructions, en font des pyramides. Il se dit qu’à l’agrandisseur il faudra jouer sur la bascule pour corriger cette aberration.

     

    Il a marché le long du galbe d’un sein arrogant, s’est laissé glisser sur un ventre perlé d’eau et de sel jusqu’à disparaître entre les rives de deux cuisses prises par le flux.

     

    Les berges du fleuve sont abruptes. Les talus empierrés forment une pente sous le parapet jusqu’à l’eau sombre qui roule une masse dont on peut ressentir la puissance. Pour en montrer le mouvement, il faudrait encore fermer le diaphragme, poser le boîtier sur son pied, ou au moins sur le parapet et poser un quart ou mieux, une demi-seconde. Le flot lissé contrasterait avec le piqué de la pierre.

     

    Il a manqué tombé, s’est accroché aux boucles de la toison sombre mais le désir de ce creux l’attire encore, il pressent le plaisir de s’y enfoncer. Il approche de la grande forme ronde des arènes.

     

    Pas bien grandes les arènes, le tour en est vite fait. On comprend qu’on y montre plus de vachettes que de taureaux, mais ça n’a pourtant rien à voir. L’écrasement vient avec le rapprochement. Au pied du monument, on est au Colysée ! À l’intérieur, du sable, il y cherche en vain les traces d’un dernier sang. L’appareil posé au sol, l’objectif à peine relevé, le nez en l’air comme un touriste, on verrait tout ce sable borné par un demi-cercle de gradins. Il faudrait un 24 mm, 28 au pire.

     

    Il s’étend dur le sable, en reçoit la chaleur dans son corps, déclenche dans le vide. Il est au bout du rouleau.

     

    Jean-Paul - 11 mars 2014

     

    Photo Lucien clergue

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :